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Végétariens, végétaliens, végans, consommateurs bio... Une nouvelle secte ?‏

Secte ou religion, les deux ne sont pas si éloignés que cela.
J’ai pu lire ci et là que la consommation bio ressemblait au halal ou au casher, dans la mesure ou une différenciation se fait ressentir entre les adhérents et les non adhérents.

Pour commencer, il est bon de définir les termes, afin que tout soit clair :

"Le végétarisme est une pratique alimentaire qui exclut la consommation de chair animale. Selon la définition qui est adoptée, le végétarisme peut exclure ou inclure certains produits issus du règne animal comme les produits laitiers, les œufs, le miel, etc. Lorsque ces produits sont exclus, on parlera alors de végétarisme pur ou de végétalisme ; dans le cas contraire, on utilisera des termes tels que lacto-végétarisme, ovo-végétarisme, etc."

"L’agriculture biologique est une méthode de production agricole basée sur le respect du vivant et des cycles naturels1, qui gère de façon globale la production en favorisant l’agrosystème mais aussi la biodiversité, les activités biologiques des sols et les cycles biologiques2.
Pour atteindre ces objectifs, les agriculteurs biologiques doivent respecter des cahiers des charges et des règlements qui excluent notamment l’usage d’engrais chimiques de synthèse et de pesticides de synthèse, ainsi que d’organismes génétiquement modifié"

"Le véganisme (ou veganisme) est un mode de vie fondé sur le refus de l’exploitation et de la cruauté envers les animaux. Au-delà de l’adoption d’un régime alimentaire végétalien, le véganisme condamne la consommation ou l’achat de tout produit issu d’animaux ou testé sur eux (cuir, fourrure, laine, soie, cire d’abeille, cosmétiques, loisirs, etc.). Par rapport au végétarisme et au végétalisme, qui désignent stricto sensu des régimes alimentaires, le véganisme vise plus largement un mode de vie rattaché à des choix moraux et politiques, comme ceux du mouvement des droits des animaux1. On nomme communément végane la personne qui opte pour le véganisme."

Définitions de Wikipedia.

Pour faire la synthèse de ces termes, le consommateur bio ne consomme que des produits issus de la filière bio, qui assure le respect du vivant et des cycles naturels : pas d’engrais, pas de pesticides.
Le végétarien est un consommateur exclusif de fruits et légumes, avec possibilité de manger des produits issus des animaux, lait, œufs, miel ; tandis que le végétalien, lui, ne consomme rien de ce qui est issu des animaux, il ne consommera que fruits et légumes.

Le végan, lui, est l’extension du végétalien, puisqu’en plus de ne rien consommer de ce qu’est issu d’un animal (pas de viande, pas de lait, pas de miel, etc), il va aussi vivre sans rien acheter de ce qui est issu des animaux : pas de cuir, fourrure, laine, cire, etc, etc.

Tout ces modes de vie sont, généralement, issus d’une réflexion personnelle et donc d’un choix moral et politique. La souffrance animale et l’exploitation du vivant sont en quoi combattent tout ces gens. Sur le fond, on ne peut qu’être d’accord avec eux. Mais sur la forme, je me permets de douter un peu. Explications.

En premier lieu, il faudra parler de l’éloignement de ces personnes, qui vont se différencier de M. tout le monde en prétendant qu’ils ne peuvent pas vivre aux côtés de personnes bouffant du cadavre, ou des animaux issus de souffrances. Et, comme pour les lois ou le code de la route, prôner l’ignorance ou le fait que toi, consommateur, tu n’y es pour rien dans la souffrance animale est vain : pour eux, tu dois être au courant, et si tu es au courant, tu dois ne plus consommer pour signifier ton désaccord. Dans leur conception, sans consommateur, plus de vente : et sans vente, eh bien, la souffrance animale s’arrêtera.

Comme disait Coluche : "Et dire qu’il suffirait que les gens n’en n’ achètent pas pour que cela ne se vende plus..."
Effectivement, quand on pense comme cela, on se dit qu’il est facile de faire pression sur les industries... Sauf que, hélas, nous ne vivons pas dans un monde si facile. Déjà, en premier lieu, rappelons que l’appel au boycott est interdit en France. Alors, petite parenthèse sur cette interdiction qu’on nous fait croire comme un grand manquement à la liberté d’expression : déjà, cela ne veut absolument pas dire que vous n’avez pas le droit de boycotter un produit : la décision finale vous revient, et si vous n’aimez pas un produit pour telle ou telle raison, libre à vous de ne pas l’acheter, rien ni personne ne vous blâmera pour cela.
Ensuite, disons le clairement : la loi a été faite pour éviter les (nombreux) abus qui ont été fait sur les produits israéliens. Il suffit de voir sur un moteur de recherche ce qu’il en est pour réaliser l’ampleur du phénomène. Cet interdit tente donc de limiter les conflits extérieurs et le racisme qu’il peut y’avoir, alors même que la France n’a rien à voir avec ce genre de conflits.
Cependant, et il faut le noter, cette loi peut être dangereuse effectivement, si elle n’est pas contrôlée : en effet, là, on parle de boycott de produits d’un pays en particulier, mais il est dès lors facile de faire le raccourci entre éthique et produit : par exemple, je ne veux pas acheter des produits issus de Monsanto et dérivés pour éviter les produits phytosanitaires (un bien étrange et joli terme pour dire "chimique") et éviter tout risque d’infection parce que j’estime que ces produits sont dangereux pour la santé, quoi qu’on en dise, et je veux que le boycott se fasse au niveau européen pour limiter tout risque... Est-ce que ça rentre dans l’interdit, puisque visant une société américaine ? La limite de la loi est donc aisée à voir.

2 autres problèmes viennent se greffer à ce premier, déjà relativement contraignant : en premier lieu, quel que soit vos idées, tout le monde ne sera jamais d’accord. La consommation zéro d’un produit est donc illusoire. Et en second lieu, surtout, ce sont les moyens d’actions : vous pensez réellement que vous pourrez faire face à la publicité des industriels qui inonde la télé, les journaux, les radios, internet, la rue ? Quant bien même vous arrivez à "convertir" une centaine de personnes suite à un colloc, au même moment, les industries auront converti des milliers de personnes suite à une seule publicité !

Il est donc illusoire de croire que se démarquer des autres va être payant. Éventuellement, sur le long terme, ça pourrait marcher, mais je crains que le temps ne soit compté.
Et c’est là que réside l’aspect quasiment sectaire de ce mode de vie : sites de rencontres, refus de tout rapport avec les autres... C’est bien joli de croire en ses valeurs, mais encore faut-il ne pas renier systématiquement les autres, tout les autres. N’oubliez pas que la majorité des gens ne sont pas au courant, n’ont pas le temps, pas l’argent, n’habitent pas au bon endroit (s’il faut parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour trouver un commerce ou des amis, pensez vous réellement que ce soit facile à vivre ?), etc, etc.

Et puis, soyons rationnel : ok, l’industrie agro-alimentaire exploite sans vergogne les animaux. Mais alors, ne plus consommez ce qui en est issu va changer le monde ? Non. Pourquoi ? "Ils ont parfois des difficultés à trouver certains aliments indispensables à leur régime alimentaire, comme le tempeh, un aliment asiatique à base de soja, riche en protéines."
... Et donc, un aliment importé. Et dans quelles conditions cet aliment a été cultivé ? Peut-être bien que le propriétaire de la ferme est une succursale de Monsanto, qui sait ! Et que l’aliment est donc noyé sous les produits phyto. Il devient dès lors difficile de justifier son choix en prétendant vouloir le bien être animal si on exploite l’environnement derrière. Sans oublier le transport, des milliers de kilomètres dans des avions/camions/bateaux qui sont loin d’être certifiés bio.

Quant à l’idée de la non exploitation animale absolue, permettez moi de ne pas du tout être d’accord. Vouloir changer le monde est une utopie, un rêve, mais surtout... Allant à l’encontre du principe de la nature même. Explications.
Dénoncer l’industrialisation des animaux est tout à fait légitime, je dirais même que c’est vitale, puisque nous avons affaire à la plus grande ignominie de l’humanité : même les épurations ethniques ou l’esclavage ne sont pas de taille. Car, dans ces cas, la volonté est d’asservir ou d’anéantir. Ici, nous avons affaire non seulement à l’emprisonnement, l’exploitation dans tout ses aspects (force, production de lait, etc) puis par l’anéantissement programmé, qui aura pour but la consommation, quasiment totale, une sorte d’appropriement qui va de la naissance à la mort, et même avant, puisqu’on fait naître selon nos envies, et qu’après la mort, l’exploitation continue jusqu’à plusieurs années.
L’esclavage, au pire, durait toute une vie, l’épuration ethnique, au pire, dure quelques années. Ça reste des horreurs, mais je crois que l’exploitation et l’industrialisation des animaux va au delà.
Mais au delà de cette industrialisation qu’on peut légitimement dénoncer, dans la nature, la mort des uns va toujours profiter aux autres. Ainsi, la consommation de viande n’est pas un crime, c’est la loi de la jungle. Nous sommes omnivore, donc pouvons consommer de la viande.
Alors, un bémol, cependant : nous sommes omnivore à tendance frugivore. Ce qui signifie que nous pouvons très bien ne consommez que des fruits et légumes sans viande, mais l’inverse, par contre, n’est pas vrai.
La consommation de la viande et des dérivés de l’animal n’est donc en aucun cas un crime environnemental : au contraire, même, puisque que, depuis la nouvelle loi sur les cadavres d’ovins, les vautours des Pyrénées ont beaucoup plus de difficultés à survivre.
Vouloir "nettoyer" pour faire propre est bien joli, mais ça va à l’encontre de la nature. Ne rien consommer des animaux aussi. Vous préférez que tout soit incinéré ou qu’on réutilise le maximum ? Bien sûr, le mieux est de délaisser les carcasses dans la nature qui se chargera de tout nettoyer, mais hélas, actuellement, au vu des volumes que cela engendre, ce serait plus de la modification d’environnement qu’autre chose.

Le niveau au-dessus, c’est à dire la non consommation de produits laitiers, miel, etc... Est encore plus absurde. Certes, une fois encore, pour les produits laitiers et les oeufs notamment, l’exploitation est de mise, et nous avons aussi affaire à des usines.
Cependant, toutes les exploitations ne font pas ainsi, et il est possible, pour les œufs notamment, de ne consommer que des œufs de poules pas si exploitées que cela.
La production d’œufs et de lait est naturelle, ne l’oublions pas.
Pire : le miel. Alors là, permettez moi de ne pas comprendre. Il y’a encore quelques siècles, j’aurais éventuellement compris, puisque le miel était issu de ruches qu’on pillait littéralement (la ruche était brûlée et toutes les abeilles tuées, on ne conservait que le miel), mais, de nos jours ? Même si l’apiculture "aide" les abeilles, il faut bien comprendre que sa présence est facultative : faites un rucher et voyez si les abeilles ont besoin de vous. Donc il n’y a pas d’exploitation. Et le "vol" du miel est limité, justement pour éviter que les abeilles ne meurent. Ne pas consommer les produits de la ruche me paraît alors assez simpliste comme raisonnement, et pas vraiment adapté à la nature.
Quant à l’argument "ça me dégoute la production de tel ou tel éléments (viande ou produits issus des animaux), eh bien... Je vais vous apprendre un truc : vous êtes l’exact opposé d’un écolo. Si si. Car un écolo, ça aime la nature, et surtout de ce qui provient d’elle. Ça ne signifie pas qu’on aime tout, ni qu’on approuve toutes les exploitations, bien au contraire. Mais il y’a une limite entre ne pas approuver et ne plus rien consommer sous prétexte que certains (même si c’est une majorité) exploite sans état d’âme.

En passant, les végans et autres illuminés qui osent faire suivre leurs pratiques à leur animal de compagnie sont tout aussi stupide et sectaires que certains religieux. Avoir une conviction, c’est bien, l’imposer aux autres est criminel, surtout quand ça va à l’encontre de leur nature. Rappel : chiens et chats sont des carnivores. Alors, oui, ils peuvent occasionnellement manger des fruits et des herbes, tout comme le lion, mais leur régime alimentaire est exclusivement basée sur la viande, n’en déplaise à certain(e)s. Leur forcer à ne consommer que des fruits et légumes est possible, et même, le chat, particulièrement, va avoir tendance à se focaliser sur un seul type d’aliment dans sa jeunesse, donc lui faire consommer des légumes à cette période pourra le rendre délicat à la viande, c’est possible... Mais il n’en reste pas moins que ce chat ne sera jamais en pleine forme, il aura toujours des carences qu’on ne pourra pas corriger, vu que sa nature même sera bafouée. On ne change pas le régime alimentaire sans conséquence.

Alors, soyons clair : je ne suis absolument pas contre les végans, ni les végétariens, végétaliens et consommateurs exclusifs de bio. Bien au contraire. Je trouve leur démarche noble et courageuse, mais je n’adhère pas parce que je considère que cette voie est sans issue. Il est illusoire de penser qu’en créant de nouvelles voies, elles seront forcément acceptées au détriment des anciennes. Il est encore plus vain de penser que sa conception du monde rend les autres différents et à éviter : cela ne peut que compromettre son combat, puisque vous aurez à dos tout le reste de l’humanité friand de malbouffe et de produits chimiques, ce qui fait un paquet de monde.
Je pense que le meilleur des choix est le bio : cela ne crée pas de nouvelles voies, cela essaye juste d’en changer. La différence est importante.

Mais là encore, cela ne sauvera pas les milliards d’animaux qui meurent de notre folie chaque année. Je pense que la solution la plus viable, la plus rapide, la meilleure possible... Ne viennent pas du consommateur mais d’en haut. Car, pour changer les habitudes des consommateurs, il faudra des millions de campagnes, d’informations, de militants, d’explications... Et sans que ça ne marche forcément, puisqu’à un moment donné -c’est déjà le cas, cf le procès de nombreux apiculteurs et de semanciers- arrivera le clash inévitable avec les industries agroalimentaires. Un combat bien inégal, puisque, seuls, sans sou ou presque, il faudra faire affaire contre des géants qui représentent des millions de dollars, et des milliers de personnes et d’emplois, voir des millions en prenant en compte tout les débouchés de la filière.
Sans même parler des politiques qui auront plus facilement accès au discours des industries, ou qui auront des intérêts personnels vis à vis de ces industries, quand à l’opposé, rien ne leur sera proposé.

La solution est donc politique. Il suffirait d’une poignée de lois pour rendre l’industrie agroalimentaire au moins aussi "inoffensive" que l’industrie du tabac. Certes, il a fallu plusieurs années et ils sévissent encore, mais plus par habitude que d’autre chose : plus de publicité sur le tabac, quasiment plus d’endroit public pour pouvoir fumer, des prix de plus en plus exorbitants. Cela n’a pas totalement détruit cette industrie, mais c’est parce que le tabac reste légal. Il suffirait de rendre illégale toute industrialisation du vivant pour arriver à un traitement bien meilleur des animaux. Bannissons ces entrepôts ou s’entassent des milliers d’animaux, interdisons les barres en acier ou s’écorchent des millions de bêtes, rendons obligatoire le plein air pour tout les animaux, et exclusivement le plein air vital, c’est à dire : pré pour vaches, chevaux et ovins, basse cour pour les poules, prairie pour les cochons, etc.
L’industrie agroalimentaire s’y opposera, certes, mais au final, elle pourra facilement s’en relever. Au lieu de la laisser gérer le tout, on ne fera que lui imposer des contraintes qui certifieront un meilleur traitement pour les animaux, sans remettre en cause sa mainmise.
Cette solution a plusieurs intérêts : d’abord, elle ne remet pas en cause les consommateurs, qui sont très difficiles à faire changer d’avis, on l’aura vu. Même en connaissance de causes, beaucoup ne vont rien changer par dépit ou par flemme. Ensuite, parce la décision serait rendue au plus haut niveau, ce qui facilitera le reste : en prenant en compte l’aspect pyramidale de la société, remonter l’information à tout les interlocuteurs est un travail colossal et incertain.
Ensuite, parce qu’au lieu d’en faire un adversaire, nous nous allierons avec l’industrie agroalimentaire.

Ce n’est pas une trahison, c’est une logique : quel intérêt de faire la guerre à toute une industrie, guerre qui durera plusieurs années, voir dizaines d’années ? Les seuls qui subiront de plein fouet cette guerre seront les animaux, une fois encore. Autant ne pas s’en faire des ennemis et tenter de préserver le bien être animal dès aujourd’hui. Car, ne nous leurrons pas : quant bien même on réussirait à éjecter les industries actuelles pour en créer de nouvelles, cela ne certifie absolument pas qu’ils seront sans reproche. N’importe qui peut se faire avoir par les affres du pouvoir et/ou de l’argent. Pensez qu’en destituant les gestionnaires actuels ne pourra que changer les choses n’est pas forcément vrai ; ça peut même empirer.

Bref, je pense que la solution qui consiste à s’exclure du reste de la société n’est pas la bonne, car au final, n’influencera pas plus que cela sur le reste de la société. La meilleure solution reste la multiplication du bio, et le changement progressif du tout chimique au bout bio, filières animales comprises.
Car ne plus consommer de matière animale vous sortira certes du marché classique, mais, d’un certain côté, cela vous éloignera aussi de la nature : vous deviendrez dépendant exclusivement de la culture humaine, du travail humain. Joli paradoxe, non ?


© Lelision - 2013