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L’heure d’été et d’hiver
Encore une fois, nous changeons d’heure, sans que personne n y trouve rien à redire. Personne ? Ou presque...
1 - Tout d’abord, présentez-nous un peu votre association, son année de création, ses membres, son objectif.
L’ACHED a été créée en 1980 sous le nom d’ACHE (Association Contre l’Horaire d’Eté rectifié ensuite en Association Contre l’Heure d’Eté – plus exact) par le docteur SANDLER, pédiatre à Bordeaux. Elle a des adhérents dans toute la France et des correspondants dans divers pays de l’UE. Son objectif est l’abrogation du décret de 1975 sur l’instauration de l’heure d’été et des textes subséquents.
2 - Le changement d’heure, donc. Il est vrai que, contrairement au nucléaire, qui date un peu de la même période, le changement d’heure ne fait quasiment pas débat, il semble être totalement assimilé par tout le monde. Pourtant vos sondages prétendent le contraire. Comment expliquez-vous cela ?
Les gouvernements successifs et notre administration veulent empêcher le débat. France 2 m’a convoqué deux fois en deux ans et aucune des entrevues n’est passée à l’antenne. Les journalistes maîtrisent peu la question qui en réalité est très complexe. De plus ils diffusent obstinément des erreurs de chronobiologistes qui confondent « heure d’été » et « jet-lag ».
3 - Y a-t-il une catégorisation du refus, par corps de métier ? Par exemple, les paysans seront moins contents du changement d’heure que les fonctionnaires, ou est-ce un sentiment généralisé, peu importe la catégorie socio-professionnelle ?
D’une manière générale, les métiers de plein air sont davantage perturbés par les changements de l’heure et par son avancement. Mais on trouve des autres catégories socio-professionnelles qui voudraient un retour au système précédent (dont les métiers de l’hôtellerie et de la restauration), ainsi que des personnes de toutes professions qui, pour des raisons diverses souhaitent l’abandon de l’heure d’été.
4 - A l’origine du changement d’heure, il était invoqué une question d’économie d’énergie, économie d’énergie qui a souvent été traitée, chiffres à l’appui. Pourtant, vous prétendez le contraire ? Y a-t-il eu manipulation afin de faire avaler des couleuvres aux français ?
Il y a occultation des études d’autres pays européens ou mondiaux dont la plupart ont évalué les surconsommations diverses d’énergie entraînées par l’heure d’été, surconsommations qui dans leur ensemble dépassent les économies d’éclairage domestique.
5 - Vous le mentionnez sur votre site internet, mais en plus de quoi, le changement d’heure doit, lui aussi, faire face aux problèmes écologiques et aux nouvelles technologies : le rejet de CO², les ampoules basses consommations… remodèlent totalement le problème. Pourquoi personne ne se penche sur ces questions ? Quand cela sera-t-il fait ?
L’ACHED a réclamé depuis 1989 la diffusion des lampes à basse consommation. Elle a suscité la réalisation de plusieurs études sur l’élévation des pics de photooxydants causée par l’avancement de l’heure. Il y a très peu d’experts pour étudier la globalité des changements d’heure et de leurs conséquences. Il faudrait un président ou un Premier Ministre sensible à ce problème qui mette en marche un nouveau rapport parlementaire, comme M. Alain JUPPE l’a fait (lequel a échoué parce que la Commission européenne lui a fait une réponse fausse au sujet des compétences).
6 - Et au niveau des animaux, existe-t-il des études relevant des problèmes liés au changement d’heure ?
Il y a des déclarations des éleveurs qui constatent des problèmes surtout en relation avec la traite des vaches laitières et la quantité de lait produit, surtout lors du retour à l’heure d’hiver, lorsqu’elle se fait une heure plus tard et que les animaux en souffrent.
7 - Y a-t-il un impact sur les végétaux ? Il est vrai que beaucoup de villes utilisent des lampes qui s’adaptent à la lumière du jour, et qui n’ont aucun impact par rapport au changement d’heure, mais il y a des villes qui n’ont pas ces technologies, et qui allument ces lampadaires à des heures fixes.
Les végétaux sont perturbés par l’allongement de la photopériode naturelle. Vous avez sans doute remarqué que le haut des peupliers proche des lampadaires continue à produire des feuilles vertes jusqu’aux gelées. Il n’y a cependant pas d’impact réel sur les productions végétales, mais plutôt sur le moment des cueillettes et des récoltes, donc sur l’organisation du travail agricole, car la rosée disparaît plus tard le matin et le maximum de température est à 16 heures en période « été ». Pas étonnant que les paysans moissonnent jusqu’à minuit légal, car la « fraîche » n’arrive qu’à ce moment-là.
Pour la réponse à titre personnel en tant qu’agronome et botaniste :
On peut observer, par exemple en ville, que des arbres montrent une réaction. par exemple la cime des peupliers tout près d’un lampadaire garde des feuilles vertes alors que les feuilles des autres branches sont jaunes ou tombées.
Si on voit des anomalies plus étendues, c’est plutôt à cause du changement climatique. La moitié de la France est passée à un climat pseudo méditerranéen, à cause de la sécheresse estivale. En Bretagne, les mimosas ont fleuri après les pluies de fin septembre. En région parisienne, voici que les chatons (fleurs mâles) des noisetiers grandissent, avec deux mois d’avance. Télescopage des saisons. Après le froid du début du printemps qui a retardé la végétation 2012-2013 d’un mois, voici que la 2013-2014 est en avance...(avant de geler ?).
La plupart des végétaux sont sensibles à la photopériode, plus qu’à la thermopériode...et à condition d’avoir de l’eau évidemment (tolérance de sécheresse pour les xérophiles). C’est modulé car l’eau est nécessaire au niveau des racines, qui peuvent aller la chercher très loin (plus de 30 mètres pour certains chênes en terrain calcaire, plus d’un mètre pour les céréales...). Certaines familles de plantes sont très sensibles à la lumière du point de vue durée d’éclairement. Par ex la lumière de la pleine lune s’ajoute à celle du soleil, et on a en fait un éclairage permanent chaque mois pendant plusieurs jours consécutifs.
Il y a une évolution du point de vue de l’éclairage public. Certaines communes éteignent de 0h à 6h
Beaucoup évitent maintenant d’éclairer inutilement vers le haut. Il faudrait aussi tenir compte de la qualité des lumières, vapeur de sodium jaune-rouge, LED bleues, etc, qui ont un effet différent sur l’assimilation chlorophyllienne et l’activité du végétal en général... et bien entendu des pollutions, surtout les photooxydantes. Des marronniers grillent bien plus quand ils sont dans la circulation automobile, d’où l’importance et l’aggravation dues aux avancements de l’heure légale.
J’espère avoir répondu à votre question, du moins en partie.
Si vous avez posé une question sur les végétaux, c’est peut-être parce que l’on dit que les changements d’heure perturbent les animaux. Croyez-moi, il n’en est rien. Il ne faut pas confondre le temps naturel et le temps social ou plutôt sociétal.
Depuis 36 ans, les médias, à part le sempiternel "On avance ou on recule ?" parlent un peu des bébés, mais surtout des vaches. Les vaches n’ont pas de montre, et encore moins de montre qui change d’heure automatiquement. Elles sont perturbées évidemment si le vacher change l’heure des traites à cause du laitier ou de ses enfants qui vont à l’école. Même chose pour les nourrissons.
De même un malade hospitalisé sans montre ni pendule va se mettre à l’heure imposée par l’infirmière ou la femme de ménage.
J’ai connu un viticulteur âgé et célibataire, bien que devant s’occuper de sa mère en fauteuil roulant, qui s’accommodait très bien de l’heure d’été dans les années 80, sauf le jour ou il devait aller au crédit agricole ! Inversement un céréalier avec de jeunes enfants et finissant sa journée à 23 heures légales aux phares, pestait régulièrement. Heureusement sa femme, qui devait faire trois services pour chaque repas, avait sa voiture pour conduire à l’école et en ramener les gamins. Difficile de travailler le matin avant 10 heures à cause de la rosée. Un autre du même village (nord de la Beauce) disait "Il est tout de suite midi" (traduire 12 heures). Quand je pense que l’émission télévisée "Midi en France" commence en fait à 9 heures (et même 8h45 quand c’est à Brest) !
Deuxième complément et non des moindres, l’action de l’avancement de l’heure sur la végétation. Regardeznotre rapport sur le blog aux pages 26 et 27 (document 54). Augmentation significative des photo-oxydants secondaires surtout dans les zones d’intense circulation automobile, car les automobilistes et les transports en commun démarrent plus tôt. Les quantités de polluants primaires disponibles pour être transformés en polluants secondaires à la même heure solaire sont plus élevées. L’humidité (rosée ou brouillard) transforme le gaz sulfureux en acide sulfurique, les gaz azotés (NOx) en acide nitrique. etc... Il y a augmentation de l’eau oxygénée, très oxydante elle aussi. Voir les publications de DESCHAUX et de COHEN, en particulier, que vous trouverez dans les pièces jointes.
Je me rappelle des vues d’une arrivée du Tour de France à Paris, prises en direct par hélicoptère. On voyait très bien que les arbres qui bordaient la voie rapide étaient bien verts lorsque elle était en souterrain sur deux ou trois cents mètres, alors qu’ils étaient grillés, surtout les marronniers, quand elle était en surface. C’est certain que ce phénomène existe aussi dans les pays qui gardent l’heure de leur fuseau géographique initial (à ne pas confondre avec les zones de temps), mais chez nous il est exacerbé depuis 1976.
8 - La France, pendant longtemps, se vantait (et se vante encore) d’avoir initié un mouvement qui s’est propagé dans d’autres pays. Pourtant, depuis, certains sont revenus en arrière. La France aurait-elle peur de perdre la face, avec une décision qui, au final, n’était pas bonne ?
La France perdra la face si les autres pays réalisent avant elle que la décision d’utiliser des « heures d’été » a cessé d’être bonne et qu’elle s’est obstinée à la maintenir. C’est bien ce qu’elle a fait en faisant pression sur la Commission de l’UE. Notre gouvernement devrait se référer au progrès technologique que représentent les lampes efficaces et prendre l’initiative de proposer l’abandon du changement d’heure au sein de l’UE. Avec ces lampes, l’heure avancée économise cinq fois moins en éclairage.
9 - D’un point de vue écologique, à la base même, ce changement d’heure n’est pas du tout logique. Peut-on vraiment se permettre de changer la structure du système solaire (la rotation de la Terre, la rotation de la Terre autour du soleil) pour des intérêts économiques ?
On ne change pas la rotation de la Terre mais seulement la position des aiguilles des montres et le rapport de nos activités avec la lumière naturelle.
10 - Que faire pour que ce mouvement soit connu, et surtout, qu’il soit écouté ?
Il faut expliquer les enjeux. Chaos pour les liaisons des transports (dans l’UE et dans le monde) et de la communication (dont informatique). Solde énergétique négatif, au mieux nul, devenant de plus en plus négatif avec la généralisation des lampes efficaces Problèmes pour le travail manuel et aussi intellectuel Coût pour la santé. Hausse des accidents cardiaques, de ceux du travail et de la circulation
11 - Pour finir, si vous avez des choses à ajouter, n’hésitez pas. En tout cas, merci pour vos réponses et pour votre temps.
Il n’y a pas de bénéfice global pour les loisirs. En effet, les avantages concernent seulement les jours ouvrables pour les personnes qui travaillent, alors qu’il y a des désavantages pour tout le monde ou presque en jours non travaillés (matinées trop froides, après-midi trop chaudes). Les pays de l’UE n’ont pas l’obligation d’appliquer les changements d’heure, mais seulement de respecter les dates si on les applique.
EG, le 23 novembre 2011, actualisé le 25 octobre 2013